Tandis que sa mère veuve s’échine à faire bouillir la marmite dans un village bruineux de la campagne bretonne, le jeune Rouaud, pensionnaire dans un collège catholique nantais, poursuit sagement son cursus scolaire. Mais l’air du temps, qui aboutira à Mai 68, gagne le coeur de la jeunesse et celui du jeune héros triste, myope et complexé. C’est l’époque des cheveux longs, de l’auto-stop, de la libération sexuelle et religieuse, du rejet du monde industriel et bourgeois, du retour à la nature.
Par ce premier volet d’une trilogie, Jean Rouaud, prix Goncourt en 1990 pour Les Champs d’honneur (NB novembre 1990), se lance dans un projet ambitieux : faire le portrait d’une génération à travers son itinéraire personnel. Pari gagné avec brio pour ce volume qui, dans un tempo bien cadencé, mêle avec intelligence faits de vie et analyse de société, laissant à entendre les hésitations et les adhésions timides du jeune homme telles qu’il les a vécues. Le style, simple pour l’anecdote, plus ample et travaillé pour l’étude de moeurs, est généreusement saupoudré de références culturelles et baigne dans une dérision et une autodérision bon enfant qui donnent du charme à l’ensemble.