Il, elle a treize ans, peu importe son sexe ; un pĂšre incestueux et vulgaire, une mĂšre gentille mais dans le dĂ©ni, des copines de collĂšge et un rejet de lâĂ©cole. Elle se pense garçon, les autres la voient fille. Elle traĂźne son mal-ĂȘtre et dĂ©couvre un groupe de paroles de jeunes contestataires oĂč elle adopte le pseudonyme de Cui-Cui.
La souffrance est palpable. Fille ou garçon, le collĂšge lâennuie, la maison lâĂ©touffe et sa professeure, qui hĂ©site sur la conduite Ă tenir aprĂšs sa rĂ©vĂ©lation, lâaccule. Le dĂ©calage entre un vĂ©cu pĂ©nible et le refus dâĂȘtre pris(e) en charge et considĂ©rĂ©(e) comme un cas social est au cĆur de ce premier roman de Juliet Drouar, thĂ©rapeute transsexuel, co-directeur dâun ouvrage collectif sur la culture de lâinceste. Dans cette histoire vue Ă hauteur dâadolescent(e), lâauteur prend le parti dâalterner les accords, faisant hĂ©siter sur le genre de son personnage. La langue explosive, inclusive et crĂ©ative, mĂȘlant argot, verlan et anglicismes exprime au plus prĂšs les Ă©motions. Il y a dans ce texte beaucoup de colĂšre et beaucoup dâamour, des pages agaçantes, dâautres dâune grande beautĂ© jusquâĂ cette derniĂšre qui vous stupĂ©fie. Câest un roman bouleversant oĂč tout est suggĂ©rĂ©, dâune grande intelligence dâanalyse ; un roman qui impose une rĂ©flexion sur la dĂ©tresse et lâimpuissance des enfants abusĂ©s. Il faut lire cet ovni littĂ©raire. (Maje et A.-M.G.)