Ce nez-là, Rostand ne l’a pas imaginé dans sa tirade, mais il ne l’aurait pas désavoué : immense, orné d’arabesques en guise de scarifications, il mange la face de Cyrano, paravent pour les regards coulés par des yeux en amande absorbés dans la contemplation discrète de Roxane. Le graphisme subtil transpose cette adaptation, presque irrévérencieuse, du texte de Rostand dans le décor du Japon médiéval : costumes de shogun et de samouraï, postures de geisha, épais tissus drapés avec rondeur, comme sur une scène de théâtre no où amours et guerres révèlent les affres de passions mortelles. De l’inspiration japonaise naissent des fleurs évanescentes, des pavots symboles de passion et de sang, la légèreté immatérielle des détails qui habillent les visages, les angles de vue choisis pour souligner la dimension psychologique des destins liés dans la ronde inéluctable de la passion amoureuse. Les dégradés extraordinairement affinés de rouges intenses et de verts glissant de l’outremer au céladon donnent une ambiance puissante à cette interprétation originale et pertinente, qui fait son chemin dans l’imaginaire du lecteur.
Cyrano. D’après Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand ; ill. de Rébecca Dautremer.
LE THANH Taï-Marc, DAUTREMER Rébecca