Dans le jardin de son presbytère en Nouvelle Angleterre, le révérend Simeon Pease Cheney (1818-1890) transpose sur papier à musique les chants d’oiseaux et autres bruits de la nature. Il vieillit solitaire, dans le souvenir de sa jeune femme morte en couches, auprès de sa fille unique qu’il ne sait pas aimer. Compositeur méprisé par ses contemporains, il va influencer post mortem de nombreux musiciens modernes, comme Dvorak pour son douzième quatuor à cordes ou Olivier Maessien. Pascal Quignard (Les larmes, NB mars 2017) est le metteur en scène et le récitant d’un dispositif littéraire inhabituel et utilise ici plusieurs éléments de sa récente performance théâtrale : La Rive dans le noir. Il installe le lecteur-spectateur devant une scène minimaliste où viennent monologuer les personnages : le vieil homme, le spectre de sa femme, sa fille. Le décor est suggéré, il y a un piano, un oiseau, des lumières rares qui sculptent l’obscurité et rythment la succession des heures et des saisons. On entend la musique des mots, des paroles simples et sensibles, déchirantes, sur l’amour, la mort et l’art. Cette évocation stylisée, poétique et ensorcelante, sublime le récit biographique douloureux d’une existence à l’écart du monde. Admirable. (T.R. et B.Bo.)
Dans ce jardin qu’on aimait
QUIGNARD Pascal