Dans la barque de Dieu

EKUNI Kaori

Yôko élève seule la fille qu’elle a eue d’un homme aimé d’amour « à faire fondre les os ». Il l’a quittée brusquement, avant qu’elle lui annonce la naissance future, en lui promettant de ne jamais l’oublier, de la retrouver où qu’elle soit. Depuis, la mère et la fillette ont quitté Tokyo, vivant en nomades, changeant fréquemment de ville et coupant chaque fois les ponts derrière elles. Sôko grandit, docile et aimante, mais le jour vient où elle s’oppose au mode de vie hasardeux que sa mère lui impose. Mère indigne ou mère courage ? La romancière japonaise maintient subtilement l’ambiguïté jusqu’à la dernière page. Son regard porte sur les détails infimes du quotidien et les petits rites familiaux des deux héroïnes. Par le biais de courtes séquences narratives, chacune prend la parole tour à tour : la mère figée dans son refus de toute attache nouvelle, l’enfant qui s’ouvre progressivement au monde extérieur, au réel. Par touches délicates, l’écrivain dépeint l’étrangeté de cet isolement affectif et social volontaire, et les tensions ténues qui menacent l’équilibre fragile mère/fille. Paysages, saisons : la douceur mélancolique des décors ajoute charme poétique et sensualité à une histoire émouvante, toute en intériorité, retenue et sensibilité.