Dans la montagne d’argent

SIBRAN Anne

CoincĂ© sous terre au fond d’une galerie, la jambe broyĂ©e, Agustin, Indien mĂ©tis des plateaux andins, sait qu’il va mourir. Peu lui importe, il a atteint son but : le Diable de la Montagne de Potosi est assis en face de lui et l’écoute. Le jeune homme peut enfin lui raconter la vie misĂ©rable et la mort programmĂ©e de son grand-pĂšre, de son pĂšre, de ses frĂšres, et des huit millions d’Indiens qui n’avaient d’autre destin que de se soumettre aux Blancs en arrachant le minerai d’argent Ă  la montagne impitoyable. Mais l’heure de la vengeance est venue et il compte bien sur l’aide du Diable. NĂ© dans un oppressant huis clos, reflet des mĂ©andres complexes d’une pensĂ©e primitive, l’étrange monologue du narrateur peine d’abord Ă  convaincre. Une langue un peu hĂ©sitante, tantĂŽt elliptique tantĂŽt redondante, cerne d’un trait appuyĂ© un scĂ©nario manichĂ©en, intemporel, plus ethnologique que romanesque. Petit Ă  petit cependant une rĂ©elle poĂ©sie naĂźt de ce mode de pensĂ©e magique et gagne en puissance. Finalement, l’auteur (Les bĂȘtes d’ombre, NB juin 2010) parvient Ă  illuminer d’une Ă©vidence sensuelle et colorĂ©e ce monde d’exploitĂ©s, longtemps incapables de se dĂ©fendre, faute de comprendre la froide logique de la rentabilitĂ©.