Dans le jardin de l’ogre

SLIMANI Leïla

Adèle, journaliste sans ambition, mariée à un chirurgien et mère d’un petit garçon dont elle peine à s’occuper, cache derrière cette façade respectable un profond mal de vivre. Elle fume et boit beaucoup, se nourrit à peine, et trompe compulsivement son mari, avec lequel les contacts charnels sont rares. Depuis l’adolescence, elle tire sa maigre raison de vivre du désir qu’elle suscite chez les hommes. Elle mène sa double vie sur le fil du rasoir, tandis que son mari, ignorant ses problèmes, envisage sérieusement de s’installer en Normandie, afin de mener une vie plus saine et paisible. Sans fard ni vulgarité, l’écriture nerveuse capte la fièvre et l’instabilité d’une héroïne que l’on accompagne, sidérés, dans une fuite en avant mortifère. Sa conduite énigmatique engendre une tension permanente, soutenue par une construction qui joue des ellipses et des retours en arrière. L’intrigue se décentre progressivement pour s’attacher en miroir au mari, amoureux fidèle et obstiné, blessé. Le portrait de ce couple singulier baigne dans une ambiance chargée de souffrance, de rêves incertains, de manques, de blessures. Le désir et la possessivité semblent tenir lieu d’amour. Leïla Slimani, dont c’est le premier roman, fait preuve d’une maîtrise impressionnante et captive jusqu’au bout.