Dans ces histoires toutes différentes, les situations oscillent constamment entre banalité et insolite, et chaque individu, tout enfermé qu’il soit dans sa peau, sent intuitivement la perception des autres. Pour thème, l’expérience malheureuse : une partie de chasse dans un froid polaire se termine mal parce qu’un membre du trio manifeste son mépris de l’autre ; un couple croit fêter agréablement ses noces d’or en partant en croisière… Cadre fréquent, le monde universitaire où un élève boursier cherche à se lier avec des garçons issus de milieux huppés, où une femme enseignante fait tout en vain pour ne pas se faire remarquer et être acceptée… Tobias Wolff est un brillant nouvelliste américain (Notre histoire commune, NB avril 2014). Ces douze nouvelles écrites en 1987 bénéficient d’une nouvelle traduction. Instantanément les personnages sont campés, l’ambiance envoûte alors que l’intrigue semble insignifiante. L’art de l’auteur est de suggérer que tout a un sens : ce n’est pas un hasard si ce garçon ment. La narration est faite du point de vue d’un des protagonistes, assez lucide pour déceler ses fausses notes, deviner leurs conséquences sans parvenir à modifier significativement ses rapports avec les autres. La plume est concise et décapante. La chute, légère, est dérision ou interrogation.
Dans le jardin des martyrs nord-américains
WOLFF Tobias