Fils d’un magnat du ciment soucieux de sa réputation, Jesko, couturier de métier et non-conformiste, souffre d’une leucémie et doit trouver un donneur. Son père et son frère étant incompatibles, on recherche sa mère, disparue depuis des années. Alcoolique et déséquilibrée, elle se porte volontaire et contraint sa famille à une difficile cohabitation.
Conjonctions de hasards, nécessité de vivre ensemble, Chris Kraus explore les liens fraternels teintés d’amertume et de rares moments de complicité dans une famille déstructurée où se tapissent secrets et addictions. Dans ce premier roman hors norme, paru en l’an 2000 avant La fabrique des salauds (Les Notes octobre 2019), l’auteur, qui est aussi scénariste, s’émancipe des codes narratifs habituels et capte les petits moments de bascule qui viennent conférer à ses personnages une épaisseur romanesque, variant les tonalités, de la mélancolie au cynisme. Une hystérie virevoltante supplante régulièrement l’apathie de saurien d’une mère laissée aux portes de la désespérance par un mari volage, devenue SDF à force d’alcool et de médicaments. Perdant magnifique, le jeune homme qui aime à citer Sénèque, manie la controverse en une sorte d’acceptation du destin. L’atmosphère baroque côtoie la comédie, le lecteur est ferré malgré une impression foutraque qui ne quitte pas le livre. (Maje et C.R.P.)