En 1995, après quinze ans d’absence, elle revient à Beyrouth pour régler des affaires familiales et y rencontre Nour, un journaliste exilé en quête de racines. Peu à peu, tandis qu’elle renoue avec le passé et s’éprend passionnément de Nour, elle revit l’histoire de sa famille mutilée par la guerre civile qui « interdit toute possibilité de continuité ». Elle s’est réfugiée en Australie avec ses parents, quatre années « insipides » avant de se marier avec un médecin et de déménager au Kenya, toujours « au bord du départ ». Ces nouvelles vies n’ont pas cicatrisé les blessures ni apaisé les deuils. L’angoisse et le manque constituent une seconde peau ; muer est difficile. Impossible, peut-être. Dans la même veine que Les Mûriers sauvages (NB novembre 2007), ce roman introspectif évoque le Liban et dresse un portrait de Beyrouth qui, inlassablement, renaît de ses cendres. Il s’attache surtout, avec nuance et profondeur, aux sentiments qui rongent la narratrice : peur, désespoir incitant à la fuite, alors que l’être profond n’aspire qu’au retour et le corps à une sexualité épanouie. Faisant écho à cet entre-deux sans issue, le style poétique, lancinant, renforce cette tension itérative entre cauchemar et rêve, l’ici et l’ailleurs, temps perdu et présent invivable.
D’autres vies
HUMAYDANE-YOUNES Imane