Mabel gardait un souvenir fort de son voyage de noces à Kyoto en 1902. Quarante-deux ans après, devenue veuve, elle débarque à Tokyo, trouve le pays dévasté et s’engage dans une organisation américaine qui vient en aide aux prostituées. Elle démissionne rapidement et part, seule, à la recherche d’une fillette japonaise et de son petit chien roux aperçus devant l’Impérial.
Les métamorphoses d’une Américaine indépendante servent de trame romanesque au nouveau roman de Stéphane Audeguy (Histoire d’amour, Les Notes janvier 2020) et s’invitent dans un siècle d’Histoire japonaise. Une plume intelligente, libre, sensuelle, parfois crue, décrit les réincarnations féminines qui accompagnent les transformations d’un pays longtemps interdit aux étrangers. Le fantastique qui s’introduit dans les chapitres sous des formes variées – renardes, hirondelles, prédatrice sanguinaire – nous entraîne entre mythes et réalité et contraste avec les synthèses en italique très documentées sur l’évolution socio-politico-économique du pays où traditions et modernité s’entrechoquent. De la reddition de 1945 à nos jours, le Japon subit, se relève, se transforme, décolle et se retrouve à la pointe de la modernité. Ce voyage au pays du Soleil Levant, des sanctuaires aux îles musées, de l’Empire du Milieu à l’empire des sens, entre exotisme et désenchantements, dévoile le Japon dans (presque) tous ces états : original et passionnant. (R.C.G. et A.K.)