Dublinesca

VILA-MATAS Enrique

Il pleut sur Barcelone, Ă  verse. Riba, ex-Ă©diteur prestigieux et ruinĂ©, aborde la soixantaine aprĂšs deux ans d’abstinence alcoolique. Toute sa vie, il a voulu dĂ©couvrir, publier un gĂ©nie. Échec, malgrĂ© son Ă©tincelant catalogue. Maintenant, de jour comme de nuit accro Ă  l’ordinateur – sa femme s’en dĂ©sespĂšre– , il ne voit plus personne, sauf ses vieux parents tous les mercredis. Devant lui, l’édition moderne s’effondre : inculture, profit d’abord, rĂšgne du roman gothique. C’est la fin de l’ùre Gutenberg
 Et s’il allait enterrer celle-ci Ă  Dublin, ville mythique de Joyce ? Pour exister encore un peu, et plaire Ă  sa femme. Avec trois amis, impulsion hĂ©roĂŻque, il part pour son « saut anglais », dernier sursaut
  Riba pense, regarde, parle. HabitĂ© par ses lectures, il n’est que rĂ©fĂ©rences et citations, gloses subtiles du quotidien de l’équipĂ©e, banal (rarement), burlesque, solennel, douloureux
 Bien sĂ»r, Dublin n’existe que par Ulysse, les dĂ©ambulations de Bloom. Et par le jeune Beckett, qui rĂ©apparaĂźt peut-ĂȘtre, tandis que Riba et « ses » trois Ă©crivains entrecroisent les fils de leurs relations ambiguĂ«s. Virtuose et ironique, magnifiquement « littĂ©raire », voici une couronne mortuaire bien propre Ă  rĂ©jouir Gutenberg.