L’amour est menacé : la hantise sécuritaire et la fièvre consumériste en font aujourd’hui un échange d’avantages, balisé pour éviter déconvenues et souffrances en laissant tout le risque à l’autre. Pourtant, l’amour apporte la possibilité de voir, de vivre et de construire le monde à partir de la différence radicale qu’apporte l’autre. Aventure dangereuse, fondatrice. Du hasard de la rencontre, elle conduit à l’engagement et se construit avec obstination (et difficultés) pour se réaliser dans la durée. L’amour, collectivement, a aussi son rôle dans le christianisme, la politique et l’art, surtout dans le théâtre.
En 2008, Alain Badiou, philosophe, a eu la belle occasion – avec Nicolas Truong en questionneur avisé – de se faire publiquement en Avignon le champion de ce sentiment malmené, au cours d’un dialogue repris dans ce texte. Quelques collègues, disait-il, ont parlé d’amour, Platon, Schopenhauer, Kierkegaard, Lacan, Levinas… Après leurs positions, Badiou précise la sienne. Son analyse, rapide, brillante, convaincante, se fonde sur des concepts et tout autant sur l’expérience. Comme cette dernière est commune à tous, le lecteur peut jalonner les raisonnements de ses propres repères et réfléchir sur son parcours : une occasion à ne pas négliger.