En eaux troubles

La mer lui a rendu une planche de surf cassée. Bruno, son soleil, vingt ans, tendre et joyeux, a disparu derrière le lagon il y a quatorze mois et sa mère, accablée d’un noir chagrin, guette chaque jour son retour, maudissant l’océan et les requins, délaissant mari et fille. Pour elle, c’est une deuxième intolérable perte : jeune étudiante, enceinte, elle a été abandonnée par le père de Bruno. Ce dernier, devenu heureux père de famille, accepte, pour l’aider à sortir de l’abîme, de lui parler et la rejoint un matin sur la plage. Entre eux, le rappel de la trahison entrave le souvenir de la passion avant qu’ils ne se retrouvent. Ce roman se déroule à la Réunion, dont l’auteur (L’arbre de violence, NB avril 1994) est originaire. Son style est nourri d’une exubérance exotique, les phrases, les mots se multiplient, rameaux et feuilles, sombre canopée abritant la douleur de l’âme maternelle. La première partie est un trop long soliloque tout en lamento élégiaque. La suite s’anime – nouveaux personnages, nouveaux éléments, vie de la plage – pour atteindre une intensité dramatique. L’atmosphère créée par le climat, la société, les mentalités, le vocabulaire retient par sa différence poétique et son subtil décalage.