À son retour de mission humanitaire au Kenya, Edmundo Galeano, vingt-sept ans, une main mutilée, rejoint la demeure familiale près de l’estuaire du Tage à Lisbonne. Il y retrouve ses cinq frères et soeur qui entourent leur père, armateur. Edmundo veut écrire un livre sur l’enfer du monde, une épopée violente sur les réfugiés intitulée « 2030 ». Projet mûri tandis que s’effondre cette famille ruinée par la crise économique qui la plonge dans le chaos. Ce grand roman choral, ingénieux, joue sur plusieurs thèmes : la difficulté d’une création littéraire, la déconstruction d’un équilibre familial qui fait resurgir caractères et situations du clan où se dévoilent des individualités au destin tragique, un grand amour inoubliable, la volonté que tout retrouve sa place. L’auteure (Les Mémorables, HdN mai 2015) fait ressortir avec sensibilité et finesse la petite musique intérieure de chacun, sa part d’irrationnel, de rêve que le héros, futur écrivain, retiendra finalement. Le charme du roman repose sur une écriture tendue, sans dialogue, où de longs paragraphes très narratifs alternent avec une phrase unique souvent révélatrice d’une obsession. Homère et Pessoa habitent aussi ce très beau livre exigeant, envoûtant et d’une grande humanité. (A.C. et M.S.-A.)
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JORGE Lídia