Dans une île inhospitalière, glaciale en hiver, infestée de moustiques en été, vit une communauté coupée du monde. Des générations auparavant, dix pères fondateurs, échappant à un cataclysme, y ont installé un patriarcat pur et dur. La vie fruste, quasi-primitive, est aujourd’hui régie par leurs descendants. « La fructification », rituel incontournable, consiste à octroyer un dernier été de totale liberté aux adolescentes avant leur puberté, moment couperet où elles devront obligatoirement enfanter. Après la mort « accidentelle » d’une des leurs, Vanessa, Caitlin, Rosie et d’autres rejoignent Janey dans une révolte contre l’ordre établi par les hommes. Le premier roman de Jennie Melamed est une dystopie militante et ambitieuse. Infirmière spécialisée dans les traumatismes infantiles, elle analyse de façon quasi-anthropologique la physiologie et la psychologie des personnages féminins, victimes « consentantes » d’abus sexuels non clairement nommés mais suffisamment explicites. La population féminine est réduite au rang d’objet utilitaire destiné au contentement des hommes autoproclamés supérieurs. Quelques beaux passages lyriques ne peuvent masquer la fragilité de la construction et l’excès parfois complaisant de miasmes, de sang, de boues… L’évocation féroce de la misogynie est convaincante, la chute métaphorique laisse cependant un sentiment d’inabouti. Un roman dérangeant et fort. (A.-C.C.M. et M.Bo.)
Et nous ne vieillerons jamais
MELAMED Jennie