1914. L’Archiduc est assassiné, les hommes mobilisés, les femmes abandonnées. Ainsi le jeune Maël, réformé pour cause de pied bot, se retrouve-t-il propulsé facteur, malgré son vieux et coriace “paternel”. Basculant de l’ombre à la lumière, le jeune homme pédale d’une maison à l’autre, d’une fiancée, d’une épouse ou d’une veuve à l’autre. Chacune lui livre son corps et ses secrets. Devenu amant, jouisseur et maître de la vérité des autres, celui qu’hier encore on ignorait croit tenir sa revanche sur la vie. C’est méconnaître la versalité de la nature humaine.
Peinture réaliste d’une solitude communautaire, d’un monde en vase clos de femmes qui se côtoient au quotidien, s’entraident, tout en prenant soin de maintenir en public une façade honorable. Le personnage de Maël évolue et prend de l’assurance jusqu’à franchir certaines limites : qui aurait cru cela de ce pauvre infirme? On suit la vie de ces femmes et de leurs “poilus” qui écrivent du front, magnifiquement illustrée par un Breton qui s’y connaît en matière de couleurs locales et les retranscrit à la manière de Gauguin du temps de Pont Aven. En trois chapitres, le texte, intelligent et soigné, brosse l’avant, le pendant et l’après du “vaillant facteur” de l’île coupée du monde des belligérants. (M.-F.L.-G.)