Ce soir, quand Edson Arantes, le gardien du musée, dit : « On ferme », sa voix est emplie de tristesse. Faute d’argent pour faire vivre des collections poussiéreuses boudées par le public, le musée ferme définitivement. Le vieil homme refuse une fin aussi misérable : il a convié quelques fidèles, amoureux comme lui de telle ou telle œuvre, à venir pendant la nuit, au cours d’une dernière visite, « sauver » chacun la sienne !
Ni vu, ni connu ? Le Musée national de Rio de Janeiro brûle dans la nuit du 3 septembre 2018 et le feu réduit à néant des trésors. Gilles Baum fait une fable de ce fait divers : il donne à Edson Arantes, alias Pelé, le rôle du pyromane généreux et désespéré, grâce à qui la culture échappe au pire, à l’indifférence. En une grande fête populaire le lendemain du sinistre, les « voleurs » de la nuit, nullement profanateurs, font découvrir à la foule assemblée à ciel ouvert leurs coups de cœur. Enthousiasme, respect, partage, une définition de la culture ! Le récit est servi par une illustration raffinée, aux couleurs assourdies, participant au récit qu’elle découpe en séquences dans l’esprit de la bande dessinée. (C.B.)