Antonio Muñoz Molina ne maîtrisera le tracé en quadrillage de New York qu’après plusieurs séjours. Mais, qu’il vienne à Manhattan pour des cours, seul ou accompagné, la griserie d’arpenter “l’asphalte grossier” des rues reste intacte au fil du temps. Franchissant inlassablement les frontières qui départagent quartiers riches et pauvres et cernent l’inquiétante menace de Central Park la nuit, il plonge, tous sens en éveil, son regard à travers les fenêtres sans voilages des immeubles. Scènes de genre à la Hopper, ébauches de drames à la Hitchcock, grouillement insensé de foules gérées “par un pacte d’intouchabilité”… n’étant personne, il se sent, là, davantage lui-même que partout ailleurs… À la fois journal, croquis sur le vif, carnets nomades, guide culturel et descente à l’intérieur de soi, ce livre a le charme captivant d’une polyphonique invitation au voyage. Après la gravité de Sépharade (NB mars 2003), voici une nouvelle preuve des multiples qualités d’écriture d’un auteur capable, sans renier son humanité, de tirer d’infinies résonances d’un lieu.
Fenêtres de Manhattan.
MUÑOZ MOLINA Antonio