Depuis Si c’est un homme, paru en 1947, Primo Levi, Juif et déporté politique à Auschwitz en 1944, a axé toute son oeuvre littéraire sur la dénonciation de ce crime imprescriptible que fut l’extermination des Juifs, sur le devoir de mémoire et les blessures inguérissables des rescapés de la Shoah. Dans ces Feuillets épars posthumes, extraits des articles qu’il écrivait pour de nombreux quotidiens entre 1965 et 1987, on retrouve, avec d’autres, ce même thème, lancinant, obsessionnel. Nourri par d’innombrables témoignages, ce réquisitoire est marqué de la même crainte : que cela puisse recommencer. L’exemple des Brigades Rouges en Italie et les résurgences de courants antisémites lui semblaient de funestes présages.
Même si le recul du temps permet de jeter un autre regard sur cette inquiétude et même si certains articles évoquent des personnages ou des auteurs qui nous sont étrangers, le message de cet homme engagé, curieux de tout et confiant malgré tout dans l’homme reste d’actualité. Ces articles écrits sous le coup d’une émotion profonde ont, dans leur brièveté, presque plus d’impact qu’un roman plus structuré.
C.R. et V.M.