Une troupe de comédiens itinérants est capturée par des bandits dans une zone montagneuse désertique, peut-être au Tadjikistan. Les hommes sont massacrés sans pitié, les femmes violées ; seule une survivante blessée à mort raconte leur calvaire, scandé par un interrogatoire glaçant. Elle psalmodie des vociférations magiques, phrases d’un « cantopéra », répertoire de la troupe. Puis, en une phrase de quatre-vingts pages, une sorte de ritournelle, périple d’un immortel en perpétuelle mutation, glisse sans fin d’un corps à un autre, à travers les siècles… Littérature « post exotique » selon la dénomination d’Antoine Volodine (Terminus radieux, NB octobre 2014), ce triple récit (porté à la scène en 2018) décrit un monde apocalyptique, avec l’emprise post-soviétique en toile de fond mais sans référence nationale définie. Monde de violence, où des personnages ambigus et incertains sont victimes de la décadence ou participent à la corruption générale de l’humanité. Redondances et répétitions scandent le discours, entre cauchemar et réalité. Cette rumination sur l’impuissance devant la mort, l’échec des luttes révolutionnaires, les abominations du siècle dernier, est soutenue par une écriture lyrique, obscure, déroutante ou envoûtante. (M.Bi. et A.Le.)
Frères sorcières : entrevoûtes
VOLODINE Antoine