Fugue polonaise

ROBIEN Beata de

Cracovie, 1953. L’heure est au durcissement sous la férule du président Bierut contrôlé par Moscou. Cette année marque également un tournant dans la vie de Bashia, lycéenne douée pour l’écriture, qui rédige, moyennant finances, les dissertations procommunistes de ses condisciples, et décrit dans son journal la situation de sa famille en train de se dégrader. L’appartement meublé de souvenirs du faste d’autrefois s’est vidé progressivement de ses biens pour se remplir d’étranges colocataires. Dans les pièces, sommairement partagées, une agitation permanente rend la vie insupportable. La famille doit s’adapter : une grand-mère à principes, digne et courageuse, une tante fiancée à un membre de la nomenklatura, un jeune oncle opposant et oisif et un père chirurgien qui s’étourdit d’alcool et de femmes. Malgré un système D habilement pratiqué par Bashia, la vie à la maison comme au lycée est jalonnée de brimades, de chausse-trapes et de trahisons… Son amour pour un étudiant français communiste l’aidera-t-il à échapper à ce guêpier ? 

Dans un style alerte aux dialogues vifs et sur un rythme toujours soutenu, Beata de Robien réussit un double pari : évoquer sans fard, et même avec humour, les atrocités commises par un régime arbitraire, policier, broyeur de vies et en contrepoint exalter la vitalité et le ressort d’une population qui fait face à l’adversité. La rude initiation à la vie de la jeune héroïne merveilleuse de fraicheur, à la fois lucide et inconsciente du danger, en est la séduisante illustration. Et l’Histoire est présente à chaque page dans ce roman-témoignage : par exemple, la montée de l’hostilité communiste envers la puissante Église catholique polonaise avec en point d’orgue l’arrestation en septembre 1953 du cardinal Wyszynski. Dans une courte dédicace à son mari ainsi que dans ses remerciements en dernière page, Beata de Robien laisse entendre qu’elle s’est inspirée d’expériences familiales, ajoutant ainsi à son talent d’écrivain une touche très émouvante d’authenticité.

Prix CBPT 2014