De Lituanie, Algis (14 ans) est déporté avec les siens en Sibérie. Séparation, transport en wagons à bestiaux où, avec rien, la vie se recrée et s’organise. Au bout du voyage, le goulag et ses horreurs : froid, faim, malpropreté, cruauté, travail abrutissant… rien ne leur est épargné et pourtant, il arrive encore à Algis de sourire, de rêver, de chanter et d’aimer alors que son père lui manque infiniment. Sa tante toquée de « japonisme » sème haïkus et fantaisie … il faut survivre !
Parsemé de lettres à d’autres déportés ou à des compatriotes restés au pays, cet ouvrage, inspiré des souvenirs du père de l’auteure, est comme un journal tenu par un garçon à mi-chemin entre l’enfance et la maturité de celui qui n’a pas attendu longtemps pour souffrir l’indicible. Les mots et les dessins sont parfois enfantins, la réalité est tendre et cruelle, souriante et poignante. Récit, collages et haïkus forment un ensemble déstabilisant au premier abord, mais finalement captivant et poétique. On passe du récit en vignettes classiques de la BD au texte illustré façon album. Tout est à hauteur d’enfant, d’où une vision décalée, spontanée de la réalité, renforcée par le dessin, original et vivant. Il s’appuie sur une base de crayonné, la teinte dominante est le gris, à l’image des conditions de (sur)vie, et ce sont les personnages qui apportent les taches de couleur. Un style naïf alterne avec un graphisme époustouflant de maîtrise. Le récit fait rire, surprend, émeut. Quelle force d’âme et de résilience ! La chorale des « pépins de pomme » n’y est pas pour rien, elle qui entretient l’amour du pays. L’album a reçu plusieurs récompenses dans son pays. 12 ans et plus. (M.-F.L.-G.)