Selon les libéraux, le marché où opère l’Homo economicus rationnel, guidé par des motifs égoïstes, génère la prospérité pour tous. Peut-être pas le bonheur… D’autant qu’aujourd’hui les rouages du capitalisme se grippent et la mondialisation engendre des effets pervers : crise financière catastrophique ; déficits commerciaux synonymes d’endettement, de mesures d’austérité récessionnistes, de désindustrialisation pour les pays riches les moins compétitifs ; inégalités croissantes ; concurrence durcie entre travailleurs. Simultanément, la tertiarisation ralentit les gains de productivité, quand il faut payer plus cher les matières premières et financer collectivement d’énormes dépenses incompressibles de santé, d’éducation… La révolution numérique ouvre d’immenses possibilités, mais n’exerce pas un effet d’entrainement suffisant.
Daniel Cohen est un économiste influent et pragmatique. Après La prospérité du vice : une introduction (inquiète) à l’économie (NB octobre 2009), il poursuit l’analyse des maux de notre société. Ses comparaisons sont instructives : l’Occident au bord du gouffre présente des analogies troublantes avec l’Empire romain décadent, la crise actuelle avec celle des années trente. S’il n’apporte pas d’idées innovantes, le livre est clair, solidement étayé par chiffres et références qui débordent largement la sphère économique. Car les aspirations humaines ne se réduisent pas à la dimension matérialiste de l’Homo economicus.