Siméon Nevzorov croupit dans une vie d’ennui peuplée de rêves de gloire et de fortune. Il ne s’offre pas le luxe de ses envies, manquant totalement de volonté et de courage. Sa route croise un jour celle d’une vieille Tsigane. Elle lui révèle qu’il est né sous le signe du crâne qui parle : l’ibicus, et lui prédit : « Quand le monde s’écroulera dans le feu et le sang, tu vivras des aventures extraordinaires, mais tu seras riche ! ». Et de manière improbable, le petit cloporte sans envergure va profiter sans vergogne des affres chaotiques qui ébranlent le monde et accomplir sa prophétie.
Une adaptation de génie du roman d’Alexis Tolstoï, une fable noire sur la condition humaine. Et dire qu’elle n’a vu le jour sous la plume de Rabaté qu’au détour d’un hasard et d’une confusion… Persuadé de se lancer dans la lecture d’une œuvre du grand Tolstoï (Leon), il se met à feuilleter « Ibicus » du moins célèbre Tolstoï (Alexis). Et c’est le coup de foudre.
On plonge ici dans la grande tradition du roman russe. Sur fond de Révolution d’octobre, on croise une myriade de personnages complexes et profonds, tous plus fourbes les uns que les autres. Délicieux. On tangue entre Le Joueur de Dostoïevski et Ce qu’il faut de Terre à l’homme de Tolstoï (Leon) – dont l’adaptation BD par Martin Veyron est une autre grande réussite.
Et puis que dire des qualités graphiques de cette œuvre ? Les planches sont simplement époustouflantes. Tout en noir et blanc, le dessin (mais peut être devrait-on dire la peinture ?) est simple et d’une originalité qui sert parfaitement la narration. Le sens du mouvement y est parfaitement maitrisé et les enchainements sont justes. Une pépite à dévorer.
(MC-MT)