Ida, la domestique effacée qui était au service de Mme Besson, est morte, percutée par un camion. Paradoxalement, la mort lui donne une existence qu’elle n’avait pas de son vivant, elle devient le mystère-Ida. Comment, pourquoi est-elle morte ? Qui était-elle ? Voici les questions qui agitent ceux qui la côtoyaient sans la connaître. Car une bonne mérite-t-elle d’avoir une vie privée ?
Si les bonnes à tout faire sont devenues rares, le manque de considération pour les « inférieurs » sur le plan socio-économique est toujours d’actualité. Le mépris de classe est mis en valeur par un texte incisif, impitoyable qui débusque la cruauté inconsciente cachée sous la bienséance et les habitudes. La dénonciation prend la forme d’un hybride de poème et de prose, un choeur qui rassemble sans distinction la narration extérieure et les interventions des différents protagonistes, plus ou moins identifiés. Comme l’on sait peu d’Ida, les mêmes phrases, les mêmes considérations reviennent régulièrement, en une spirale se déformant peu à peu. Émergent par bribes la difficile condition de la bonne, sa servitude infinie, sa colère rentrée, ses rêves étouffés. Proche du nouveau roman (il est initialement paru en 1973), le texte séduit par sa force et sa qualité d’écriture, mais son absence de ligne narrative peut déstabiliser. (M.D. et M.T.)