Impressions de Kassel

VILA-MATAS Enrique

InvitĂ© Ă  participer Ă  la Foire internationale d’art contemporain de Kassel, un Ă©crivain catalan est censĂ©, en contrepartie, s’installer chaque matin dans un restaurant chinois pour Ă©crire. AprĂšs quelques malentendus avec les organisatrices, il accepte. DĂ©pressif, sceptique, Ă©cartelĂ© entre des angoisses nocturnes et une vitalitĂ© matinale incongrue, il compte sur le dĂ©fi intellectuel que lui lance la manifestation d’avant-garde pour se rĂ©Ă©quilibrer. Commence alors une longue dĂ©ambulation Ă  travers les diffĂ©rents sites artistiques dissĂ©minĂ©s dans la ville, en compagnie de jeunes hĂŽtesses chargĂ©es de lui en faire le commentaire. Virtuose, ironique, funambulesque mais aussi sensible et profonde, cette Ă©trange balade au milieu d’oeuvres parfois improbables (un courant d’air, un chien Ă  patte rose sur un tas de fumier, une pendule oblique
) est en fait un long questionnement peuplĂ© de rĂ©fĂ©rences littĂ©raires et artistiques sur la crĂ©ativitĂ© contemporaine, quand toute forme en art a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© explorĂ©e. Monologue foisonnant, provocateur mais optimiste sur ce qu’est Ă©crire, peindre, sculpter aujourd’hui (aprĂšs Duchamp, Artaud, Man Ray, Wittgenstein…), ce rĂ©cit est, pour cet auteur inclassable (Air de Dylan, NB novembre 2012), une façon brillante de prouver, par l’absurde, qu’au-delĂ  des recherches stĂ©riles sur la nouveautĂ© existe bien l’éternelle possibilitĂ© d’une « Ă©tincelle endiablĂ©e ».