J’ai mille ans

QUÉMÉNER Jean-Marie

Au sud du Soudan, une fillette voit le jour dans la « Maison rose », bordel local qui appartient à un mafieux. La nouvelle-née est métisse, fille d’un archéologue français d’un champ de fouilles voisin. Avec son teint doré et ses yeux verts, cette petite appelée Amal (Espoir) sera bientôt mise sur le marché des esclaves sexuelles. Sa mère veut la sauver et prend la route du nord, vers la mer et la liberté, accompagnée et protégée par un ami homosexuel, lui-même en danger.

Ce texte militant d’un grand reporter qui a vécu au Soudan (Le vent des soupirs, Les Notes février 2021) a pour thème le dangereux périple des migrants qui tentent de rejoindre l’Europe, eldorado lointain et désirable. C’est la petite fille qui parle, une « chanson douce » pour raconter l’histoire tragique des pauvres et des opprimés, des femmes surtout, qui n’ont pas d’autres armes que la ruse et l’obstination. L’auteur évoque avec talent et justesse la nature désertique, la vie terrible dans les camps de réfugiés, mais aussi les solidarités, les pleurs et les rires. Enfin la mer, le voyage sur un pneumatique au moteur fatigué, l’espoir jusqu’au bout… L’écriture poétique donne un visage aux migrants et si on peut estimer pesant le lancinant leitmotiv « j’ai mille ans », ce récit, au-delà d’un sujet d’actualité brûlante, fait naître l’émotion. (M.Bi. et M.Bo.)