Accusé du meurtre d’un officier des renseignements israélien lors de la première intifada, Nasser Abu Srour est condamné à la perpétuité à l’âge de vingt-quatre ans. Né à Bethléem, dans un camp de réfugiés palestiniens, il évoque une jeunesse fluide et une adolescence rebelle, bientôt armée de pierres. Interné à Hébron en 1993, l’interrogatoire musclé lui donne le goût du sang et de la défaite, mais de sa mise à l’isolement il tire « l’éblouissement de l’imagination » et « l’aptitude de l’âme à guérir ». Très tôt il commence à courtiser son mur, témoin et confident, unique point fixe de son univers, malgré de nombreux transferts.
C’est par l’élégance et la portée de son récit que Nasser Abu Srour nous tient captifs, engageant sa plume dans les remous sociopolitiques de la Palestine ou sondant l’intimité du moi, sa relation à Dieu et à la prison : « Moi, Dieu et l’étroitesse des lieux » forment sa trinité. Façonnée par l’Histoire, son écriture porte l’épopée de sa communauté et donne libre cours à un texte pluriel mêlant univers carcéral et méditations philosophiques et géopolitiques. Cette narration, lyrique et profonde, dont l’admirable maxime « renoncer à la liberté pour être libre » éclaire le titre, cède la place, dans une seconde partie, au langage plus commun de tous les amoureux lorsqu’une jeune avocate venue le visiter « réveille en lui le corps et l’âme ». Nasser Abu Srour s’en remet à la force des mots et son témoignage est inestimable. (Maje et L.G.)