Presque sexagénaire, une jeunesse tumultueuse et le coeur à gauche… Hannah vit, heureuse, avec un sympathique universitaire lorsqu’une amie l’entraîne visiter le lycée désaffecté voisin, squatté par des immigrés. Conservant une réserve prudente, elle s’insère, un peu malgré elle, parmi les « soutiens » réguliers, bénévoles qui essayent de préserver un quotidien vivable dans ce monde parallèle en continuelle ébullition. Fascinée, de plus en plus concernée, elle s’y implique complètement, y rencontre un ancien amant et retrouve un goût nouveau pour la liberté. En 2015, le lycée parisien Jean-Quarré a bien été occupé quelques mois par des réfugiés, une centaine au début, bientôt un millier, avant d’être évacué. Juliette Kahane (Une fille, NB mars 2015) utilise probablement une expérience personnelle troublante. À la première personne, elle décrit au jour le jour son « exil » en très courts chapitres, avec une objectivité analytique, attentive à ne rien atténuer, ni enjoliver. Les personnages deviennent peu à peu familiers. Les immigrés, coopérants, violents ou mutiques ; les soutiens, d’une bonne volonté sans bornes, peut-être suspecte. L’héroïne se révèle raisonnable et lucide dans ce chaos délirant, déclencheur d’émotions fortes, qui soulève des questions fondamentales. Le style est précis, superbement maîtrisé; le résultat, saisissant. (M.W. et M.M.)
Jours d’exil : une saison au lycée Jean-Quarré
KAHANE Juliette