Très précocement orpheline de mère, Judith, fruit des amours improbables d’Allia la grande bourgeoise rebelle et de Jeannot le petit délinquant paumé, a été élevée jusqu’à treize ans par son grand père maternel. Elle fugue et zone en îlot de non droit à Paris. Vers les années 1980, entourée de douteux et fidèles camarades de galère et de larcins, elle vit dans la précarité. Lorsqu’elle se rend à l’incinération de son grand-père dans l’historique domaine familial, le passé la rattrape. Dès lors, son “asymétrie génétique” la fera funambule sur une corde raide jetée entre deux mondes aux codes rigides opposés et sourdement hostiles…
Comme dans La saison des hommes (NB août-septembre 2005) l’héroïne est à la marge, écartelée. Ce recueil picaresque pourrait être une fable moraliste ou un roman à thèse, dur ou sentencieux. Guyette Lyr échappe au piège. Grâce à une observation acérée, des mises en scène fouillées, des formules-phares et des épithètes cocasses, sa plume crée des personnages pittoresques, aux gestes justes. Les raccourcis toniques, la gouaille,railleuse, abrupte, sans haine, tendre et crue forcissent la gravité du thème sans alourdir, sans assombrir… Un livre attachant.