De la prison où il purge une peine de 18 ans, Erwan ressasse les raisons qui l’ont amené là : de CDD en CDI, il a décroché le graal, un emploi à l’abattoir du Lion d’Angers. Dans le froid glacial de la zone frigorifique, il oriente les carcasses ensanglantées suspendues à la crémaillère qui les mène jusqu’à l’atelier de découpe. Du sang, du bruit, des cadences et la misère des blagues salaces qui pimentent les pauses, nourrissent un désespoir larvé que l’échec d’une aventure sentimentale vient conforter.
D’une prison l’autre ! Bel effet de construction romanesque. À l’abattoir dont la description vous hante longtemps, succède la centrale, réplique de la vie d’avant, avec le même ennui, la même solitude et la remémoration en boucle de quelques images heureuses. De quoi éviter le naufrage quand l’esprit est vaincu et le cœur abîmé par l’indifférence et le cynisme d’un système qui broie les hommes. La cause animale a plus de défenseurs ! Le texte file, émotion contenue, dans le soliloque halluciné de longues phrases mezza voce, pour raconter le processus exécrable qui conduit à la résignation. Il a l’élégance de dénoncer sans effet de manche. (C.B. et R.F.)