Juliette, mourante, reçoit la visite de Fanny, son arrière-petite-fille. Immobile, les yeux clos, elle ne parle plus mais revoit, « juste avant » sa mort, sa longue vie. En 1914, sa mère l’avait envoyée en pension “chez les soeurs” en Normandie ; elle y a perdu ses doigts de pied, gelés lors d’un hiver particulièrement rude. Suivent l’après-guerre, l’indifférence de sa mère, son mariage avec un militant communiste, la naissance de sa fille, la disparition de son mari dans un camp de concentration, la vie qui continue à Bergerac… Face à elle, en écho, Fanny évoque ses propres souvenirs liés à son aïeule.
Ce face-à-face muet est une façon originale de retracer la traversée du siècle d’une femme de milieu modeste, et de suggérer la continuité, la transmission entre femmes sur quatre générations. Dans un style gentiment familier, vivant, parfois gouailleur, Juliette raconte ses peines et ses joies, sa vie difficile où le rire et la fête trouvaient toujours leur place, la malédiction familiale qui contraignait ces femmes à s’accommoder d’une vie presque sans hommes. Fanny lui répond indirectement, dans des chapitres brefs, à la typographie différente, à l’écriture plus retenue. Sérénité et humanité imprègnent ce texte simple et profondément touchant.