Phnom Penh est au centre de ce récit vagabond qui se poursuit au Cambodge, aussi bien qu’au Laos, au Vietnam, en Birmanie, en Chine et qui s’étire entre la découverte fortuite en 1830 des ruines d’Angkor par l’entomologiste Mouhot et l’actuel procès de Douch, le tortionnaire khmer rouge. Dans cet espace chronologique et géographique, au présent ou au passé, le narrateur se déplace, fumant, buvant, feuilletant ses carnets, lisant la presse locale, dépliant ses cartes, l’oeil et l’esprit vifs, prompt aux échanges, ouvert à la beauté du monde. En sampan ou en jeep, Conrad, Malraux ou Loti l’accompagnent, la mémoire renaît d’explorateurs héroïques parfois douteux, de politiciens, de militaires…
Avec des phrases qui crépitent comme des mitrailleuses, des mots aigus, précis comme des lames, Patrick Deville, lecteur, voyageur et conteur magnifique, poursuit en Asie sa « petite entreprise braudélienne » (Equatoria, NB avril 2009), et met l’histoire en perspective pour un constat amer : le passé, gros des infamies de la politique, de la rapacité des puissants, de la folie des utopies meurtrières accouche d’un présent désespéré pour tous ceux qui « ne choisissent pas leur affectation ». Un « roman » fait d’événements et de lieux réels, lourd de sens, de savoir et d’humanité.
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