Karoo

Saul Karoo est chargé de remanier le dernier film d’un réalisateur célèbre afin de le rendre commercialisable. Il est fort déconcerté, car il trouve l’oeuvre excellente. À force de visionner la bande, il reconnaît un personnage. La serveuse du restaurant n’apparaît que sur un plan, mais il est certain d’y reconnaître Leila, la mère biologique de son fils adoptif Billy. Saul a maintenant une idée fixe : refondre le scénario et donner le premier rôle à l’actrice. C’est le début d’une aventure qui commence par une idylle et l’annonce d’un grand succès cinématographique. Mais on ne maîtrise pas le destin.  Un très bel ouvrage, alliant un scénario (adapté du roman éponyme) parfaitement réglé à une image originale et expressive. Le récit s’attache, au début, à cerner la personnalité complexe du héros, souvent velléitaire, et à montrer ses rapports difficiles avec son épouse et son entourage. Cela accentue le contraste avec l’énergie qui le remplit pour réaliser son idée fixe. Le dessin est très original. En strict noir et blanc, il est parfois rehaussé de teintes posées en aplats, répondant aux tonalités des événements. Il fait pénétrer dans l’âme des protagonistes, leurs débats intérieurs et leurs sentiments contrastés. Posées comme en toile de fond, des évocations de l’histoire d’Ulysse et de Télémaque accompagnent une issue tragique. (P.P. et A.J.)