Pour la collection « Ma nuit au musée », l’écrivain journaliste se rend à Tervuren près de Bruxelles, dans le palais érigé par Léopold II pour abriter le musée colonial du Congo belge, vitrine du monarque. Fermé pendant cinq ans pour travaux et rouvert en 2018, ce musée a été repensé et « décolonisé ». Il se nomme aujourd’hui l’Africa museum.
Christophe Boltansky (Le Guetteur, Les Notes août 2018) place son lit de camp face à la pièce iconique du musée, le « King Kasaï », éléphant colossal, tué sur ordre par un chasseur professionnel. Seul dans l’obscurité, avec Le cœur des ténèbres de Joseph Conrad comme boussole, il déambule dans les salles habitées de fantômes et s’enfonce dans l’histoire sombre et violente de la colonisation du Congo. La plume est incisive et comptable : dans les caves du monument 10 millions de spécimens dont 10 500 primates prélevés… et 267 hommes, femmes et enfants déplacés pour l’Exposition Universelle de 1897. Les formules et les images sont percutantes. L’auteur interroge les mémoires et invite chacun de nous à (re)visiter « notre » histoire coloniale qui pèse toujours lourdement, incarnée ici par une lignée d’aristocrates belges, ou par la figure de Tintin reflétant encore le mépris de l’homme blanc. Une « Nuit au musée » éprouvante, mais tout aussi indispensable. (R.C.G. et A.Le.)