La Bâtarde d’Istanbul

« Au-delà du déni… »Le thème de ce roman – la perception du génocide arménien par la communauté arménienne des États-Unis et par les Turcs eux-mêmes – a failli coûter la prison à son auteure. Pourtant, elle approche cette épineuse question, sans la nier certes, mais avec un brio romanesque et une connaissance nuancée, soulignés dans la préface par Amin Maalouf.  En scène, aux États-Unis et à Istanbul : deux familles, une de chaque camp, nombreuses, excessives et chaleureuses. Elles s’entrecroisent et s’emmêlent davantage de chapitre en chapitre, au gré des générations et des révélations. Fort à point, un djinn intervient pour éclairer cet entrelacs, peu vraisemblable mais qu’importe ! La réalité d’un terrible passé s’affirme, tandis que la jeune Américano-arménienne venue pour retrouver ses racines découvre un Istanbul très moderne avec ses milieux intellos, et une famille turque plus proche de la sienne qu’elle ne pensait, composée de femmes de coeur, à la personnalité affirmée, aux opinions divergentes. Les cuisines traditionnelles mijotent d’une page l’autre, réconfortant de leurs saveurs exquises des héroïnes souvent éprouvées… Elif Shafak donne subtilement à voir au quotidien la complexité de deux cultures à la fois proches et antagonistes. Son panorama est plein de vie, généreux, coloré d’humour.