Depuis l’âge de quarante-cinq ans, après deux échecs amoureux, il vit seul, observe. Il écrit, troublé, fasciné par le couple que forme avec Felice, depuis douze ans, son ami Noé. Ces deux-là, en rien semblables, intriguent : lui dessinateur, elle avocate, semblent vivre un grand amour intact. Béotien intrigué et assumé, il veut capter par des signes ou des réponses ce secret, si intime qu’il est presque mystère, et qui les fait durer. Sujet peu porteur pour l’éditeur, ce deuxième millénaire est trop cynique, désabusé, frileux. L’écrivain passe outre.
Alexis Jenni donne la parole à trois protagonistes. Le Narrateur, Noé et Felice racontent, avec quelques accents de cantiques des cantiques, anecdotes et impressions… Rapportent des propos de dîners branchés ; il y est question de mâle occidental au phallus en berne, de sexe-obsession, de plan-cul foireux, du couple naufragé après trois ans par usure ou égarement adultérin… Évoquent l’Éducation sentimentale, Aurélien, Belle du Seigneur, Anna Karénine, l’Ecclésiaste. L’amour est-il une construction littéraire, forcément fugace, impossible ? Non veut croire l’auteur, l’amour pérenne est un « entre-saisissement » parcouru de tempêtes, sans sécheresse, sans dilution, sans étouffement, il soigne le désir, les sens et l’esprit, a foi en l’autre, accueille la beauté tangible ou impalpable. Où se joue cette énigme ? « Dans l’espace de l’ardeur». Peut-être… (C.R.P et D.M.-D.)