Il a quitté le train saturé d’odeurs âcres d’humanité enfermée et, depuis, il court dans la campagne, il court vers son Montenegro natal, vers une mort qu’il désire âprement. Les deux hommes qu’il croise imaginent, puisqu’il court, qu’il est un fuyard et le prennent en chasse. La peur, le soupçon, la haine rythment peu à peu leurs pas… M.Golouja, quant à lui, apprend aux habitants de la bourgade dans laquelle il s’installe qu’il veut en finir avec la vie. De quoi faire sortir tout ce petit monde de sa léthargie. Ces deux récits insolites, deux fables grinçantes, campent chacun un étrange personnage aspirant à la mort, à « sa » mort dont les autres le dépossèdent… Ironique, l’auteur traite sans aménité ces empêcheurs de « vivre » car l’enfer, c’est les autres, piétinant la liberté ultime des deux héros selon une logique meurtrière tragique, aussi implacable qu’absurde. Le sens est laissé en suspens, comme une possibilité de méditer sur « cette grande affaire » qu’est la mort et sur la servitude volontaire qui se prend pour liberté. Avec, en contrepoint, la sérénité d’une belle écriture. (C.B et J.G.)
La bouche pleine de terre
ŠCEPANOVIC Branimir