La Discorde : l’Albanie face à elle-même

En 1912, année de son indépendance, l’Albanie se dote d’un drapeau à aigle bicéphale et d’un hymne national dont un couplet, toujours escamoté, sert de point de départ à une réflexion enflammée d’Ismail Kadaré sur son pays. Terre de servitude, elle a été, au cours de son histoire tourmentée, le fruit des convoitises turques, serbes, grecques et autres. Cinq siècles de domination ottomane l’ont tenue à distance de son continent-souche, l’Europe. L’épisode communiste, la tourmente de la seconde guerre mondiale et plus récemment la guerre du Kosovo n’ont pas contribué à lui forger une véritable identité nationale. L’auteur de La Provocation et autres récits (NB mai 2012) prend pour exemple le héros Kastriote Skanderbeg, libérant son pays du joug ottoman au XVe siècle, dont le mythe continue à être l’objet de manipulations opportunistes récurrentes. Dans un long plaidoyer poético-lyrique échevelé, Ismail Kadaré se pose en éveilleur de son peuple malmené par le destin, rongé par la discorde et les dysfonctionnements internes.