Une mère imagine un long dialogue avec son fils aîné qui s’est suicidé trois mois auparavant, à l’âge de seize ans. Elle écrit et enseigne. Nicolaï était poète en herbe, amateur d’adjectifs, hautboïste et… perfectionniste. Cette conversation au présent est le prolongement de leurs chamailleries, faites de respect mutuel et de franc-parler, seul moyen pour elle de conjurer le désespoir de la séparation et d’essayer de comprendre. D’origine chinoise, Yiyun Li vit aux États-Unis (Cher ami, de ma vie je vous écris dans votre vie, HdN septembre 2018). Alors que l’auteure-narratrice écrivait un roman sur le deuil d’une mère après le suicide de son fils, elle est confrontée dans la réalité à la même tragédie inexplicable. Elle tente de renouer le fil de ses échanges avec l’adolescent comme s’il était encore là sans l’être, égrène des souvenirs selon les sujets abordés. Seuls les pauvres mots, dont elle décortique la signification, relient les individus, les vivants aux morts qu’ils ont aimés. Si le texte est parfois distancié, parce qu’incapable de percer le mystère insondable du fils, il évoque avec justesse et émotion le sentiment de culpabilité, la tendresse et le chagrin inconsolable d’une femme qui est comme « amputée ». (L.G. et A.-M.D.)
La douceur de nos champs de bataille
LI Yiyun