Sur la grève, un jour de mars, près de Saint-Lunaire, elle brave le vent de la tempête annoncée ; elle en a vu d’autres, à Brest sous les bombes, puis à l’hôpital au rythme d’électrochocs sensés lui faire du bien, ailleurs encore si sa mémoire voit juste. Car elle est « la folle de Saint-Lunaire », celle qui a construit patiemment cette maison de bric et de broc à la manière du Facteur Cheval… Jeanne Devidal est morte en 2008, centenaire, tenue à distance par l’ignorance et la crainte. Derrière le cliché, qui est réellement cette femme seule entre la mer et son étonnante bâtisse ? Fabienne Juhel plonge dans l’incohérence de sa biographie, reconstitue par bribes une existence démolie par la violence du monde contre laquelle elle s’est appliquée à monter des murs. Mimétique, le roman invente une architecture narrative, des fondations du premier chapitre au mirador du dernier. Alternant tutoiement et réserve pour parler de « la femme », il rend à cette « résistante » un hommage émouvant et pudique. Entre prose et poésie, la langue est belle et forte, au plus près de la vérité du personnage qu’elle réinvente. (C.B et M.D.)
La femme murée
JUHEL Fabienne