La fille au Leica

JANECZEK Helena

Gerda Taro, La fille au Leica, est la compagne du photographe Robert Capa. Ils sont à Barcelone en août 1936, un an avant sa mort à la bataille de Brunete. Elle avait vingt-six ans. Trois de leurs amis, émigrés plus tard aux États-Unis, en Italie ou travaillant à l’atelier de Robert Capa, l’ont bien connue. Ils témoignent de son aura lumineuse dans une bande d’étudiants désargentés mais joyeux. Tous envoûtés, ils font le portrait d’une belle femme, volontaire, indépendante et courageuse.  Le prologue, un vrai régal, expose deux petites photos en noir et blanc : le même couple capturé successivement par Gerda Taro et par Robert Capa. Ce couple qui leur ressemble rayonne d’un bonheur magnifique. L’atmosphère palpable, obsédante, s’impose avec une telle puissance que l’histoire qui suit en est presque le sombre reflet. Helena Janeczek (Traverser les ténèbres, NB juin 2014) insère ce roman dans leur milieu, celui des jeunes intellectuels juifs engagés dans la guerre civile espagnole. Harcelés par l’antisémitisme, ils vivent entre la Pologne, la Hongrie et l’Allemagne ou se retrouvent à Paris. Sur eux plane hélas une ombre d’incertitude, un sentiment d’éphémère habilement sous-tendu par la construction. L’écriture rythmée, dense, traduit un récit foisonnant, à suivre avec une certaine attention.  (V.M. et A.Be.)