Didier Fassin, professeur de sciences sociales à Princeton et directeur d’études à l’EHESS a partagé pendant deux ans le quotidien d’une BAC (brigade anti-criminalité). Il raconte l’ennui des patrouilles, la pression du chiffre, l’impunité, l’impartialité de certains agents et les formes de discriminations, de racisme voire de violence qui contaminent cette brigade. Cette enquête ethnologique est une adaptation graphique du travail de terrain effectué de l’automne 2005 jusqu’en 2007 sur une BAC d’une banlieue parisienne. Le tout est agrémenté d’une petite suite-épilogue sur la situation treize ans plus tard qui montre que le fonctionnement de ces BAC n’a fait qu’empirer.
Passionnante enquête anthropologique dont la mise en abîme sous forme dessinée rend ce récit « ethno-graphique », comme aime le souligner l’auteur, encore plus accessible. Cet ouvrage est indispensable pour qui veut comprendre les BAC de nuit en région parisienne et l’absurdité de leur fonctionnement et de leur autonomie qui, par la sélection naturelle qui s’opère dans le recrutement d’une grande partie de ses agents, ne peut conduire qu’à une haine partagée entre cette catégorie de la police et les habitants de certains quartiers immigrés. Avec toute la violence qui en découle. Les scènes à la fois saisissantes et ordinaires rapportées dans ce livre dévoilent aussi l’exception sécuritaire à laquelle sont soumises les cités. Le graphisme minimaliste aux couleurs ternes accentue la morosité et la misère dans lesquels évoluent les protagonistes des quartiers pauvres et de la Bac de nuit.
Œuvre d’autant plus indispensable qu’elle colle toujours à l’actualité du moment et qu’elle interroge le citoyen sur le type de Société et de maintien de l’ordre qu’il souhaite pour son pays.