1901, au large de Porto Empedocle, province d’Agrigente. Giuseppa entraîne son mari handicapé et leurs quatre jeunes fils dans une traversée nocturne vers Tunis avec d’autres émigrés siciliens. Résolue mais inquiète, seule à ne pas succomber au sommeil, elle se souvient… Une trentaine d’années plus tôt, les religieuses d’un orphelinat l’ont recueillie bébé et l’ont nommée La Fortuna. Elle a épousé, par amour, Francesco, le fils cadet d’une famille de propriétaires terriens qui n’ont jamais caché leur hostilité envers cette jeune femme sans origine connue. Premier roman de Françoise Gallo, documentariste, née en Tunisie dans une famille d’origine sicilienne, ce court récit compose le portrait d’une femme simple, lucide, prête à tout, même à quitter le pays qu’elle aime, pour préserver une indépendance et un bonheur chèrement acquis, menacés par une société au machisme écrasant. L’enfant abandonnée trouve d’abord sa consolation et sa force dans les arbres et les plantes qu’elle soigne et fait fructifier, puis dans l’amour pour son mari et ses enfants. Quand rien n’est plus possible contre le mépris et l’adversité, le choix de Giuseppa est déchirant mais entièrement assumé. L’écriture superbe est évocatrice de la lumière méditerranéenne et du contraste entre violence et délicatesse. (T.R. et C.-M.T.)
La Fortuna
GALLO Françoise