Un quarantenaire, richissime, érudit, un brin benêt, s’éprend d’une inaccessible comtesse et de son château. Devenu son bibliothécaire bénévole, il classe avec délices les ouvrages rares tout en découvrant la demeure médiévale – souterrains inquiétants, apparitions, tour inhabitée où tremblote une lumière – et l’histoire agitée des propriétaires : meurtres, faux prêtre, naissance cachée, sinistre « factoton »… Les yeux bleus de la comtesse parviennent à acclimater notre homme à ce prestigieux mais étrange environnement, comme les charmes de la jeune doctorante chargée des visites guidées ou ceux de la marchande des quatre-saisons qui se révèle romancière. Impavide, il poursuit son grand oeuvre, le catalogue de la bibliothèque.
Sur cette trame joyeusement invraisemblable, Thierry Laget (Madame Deloblat, NB mars 2006), élabore une prose d’un classicisme affiché, nourrie de mots rares, de tournures singulières, de répétitions et de métaphores, satiriques ou poétiques. S’amusant du lecteur, il attribue « La (douteuse) lanterne d’Aristote » à la maraîchère, puis à l’épouse russe récemment recrutée sur Internet. L’aisance à créer les ruptures de ton, la réussite des morceaux de bravoure n’en recouvrent pas moins une captivante mélancolie et un intellect agile que ratifierait volontiers Aristote !