Un touriste, arborant la panoplie de son état – appareil photo, chemise hawaïenne et panama – débite au pêcheur allongé dans sa barque un discours carrément productiviste. Pêcher plus pour gagner plus ! Des bâtiments envahissent la côte sauvage : hangar frigorifique, fumerie, conserverie, etc. qui n’auront pas plus de réalité que les rêves de Perrette et son pot au lait. Le pêcheur, tiré d’une sieste bien gagnée, incline plutôt pour la médiocrité dorée chère aux anciens. Inédite en français, cette fable d’Heinrich Böll (1963) est traduite et adaptée par Bernard Friot ; sa philosophie souriante est mise en images par Émile Bravo. 1963 marquait une euphorie économique, l’auteur y percevait déjà un « toujours plus » critiquable. Émile Bravo installe l’action dans un petit port breton. Les grandes vignettes détourées, les pleines pages où le ciel est toujours bleu, posent un cadre idyllique, serein et intemporel comme le pêcheur bonhomme – barbe de rigueur, marinière et casquette – qui évoque le capitaine Haddock. Une fable réadaptée aux temps de la défense de l’environnement et de la préservation des ressources.
La leçon de pêche
BÖLL Heinrich, BRAVO Émile