Désenchantée, la littérature a perdu son idéal. Refusé, ignoré, l’héritage des maîtres : à l’auteur d’« autofiction » suffit sa propre mémoire, son « vécu ». Témoignages de seconde main, sources médiatiques réinterprétées alimentent la « biofiction ». Et dans le « docufiction », le réel, devenu subjectif, est refiguré. Le sensationnel, l’apocalyptique, l’inhumain, le morbide sont privilégiés. Ni analyse, ni style pour une littérature minimale recycleuse de faits divers. Dans une culture du divertissement et de l’évasion, les frontières s’estompent entre écrivains, critiques et lecteurs qui eux-mêmes écrivent et critiquent sur la Toile. Résumée ici à gros traits, l’analyse fine et approfondie frappe juste. La passion littéraire qui anime Philippe Vilain, romancier et essayiste (Une idée de l’enfer, NB juillet-août 2015), incline à absoudre ses excès. On s’interroge parfois sur l’acception que donne l’auteur à des mots essentiels tels que « littérature », « valeur ». Et le vocabulaire (complété en latin !) devient souvent inutilement abstrait. Néanmoins, ce constat attristé, malheureusement trop dense, remet opportunément en question la nature et le rôle de cette « littérature du présent », marquée par la marchandisation, la consommation de masse, le règne de l’image et de l’informatique. (M.W. et E.B.)
La littérature sans idéal
VILAIN Philippe