En 1995, Sisik prend sa retraite et découvre les joies du temps libre. Homme méthodique, il organise rigoureusement ses journées : toilette, courses, repas, promenade, même film, même musique et retire une intense plénitude de ces journées vécues dans un ordre immuable. Oublieux du temps, il réalise qu’il a quatre-vingt-dix ans puis défraye la chronique à cent vingt ans passés… Clin d’oeil au fantastique : cette méthode entraîne de nouveaux modes d’enfermement – prisons en forme de tubes profondément enterrés ou voyage intersidéral vers une exo-planète habitable.
Envoûté par la perception du temps et toujours curieux de la nature humaine, Laurent Graff (Grand absent, NB décembre 2013) situe son récit entre deux planètes, dans un futur très lointain. Né triste mais pragmatique, le narrateur construit sa vie de retraité dans un évitement absolu. La répétition maniaque de chaque instant déjoue avec bonheur toute surprise néfaste ; ainsi, en abolissant la moindre émotion, il s’immunise contre le vieillissement. La précision du propos est portée par le ton enjoué d’un récit exaltant la monotonie des jours ; la subtilité de l’écriture, aussi fine qu’humoristique, masque habilement la satire d’une société fascinée par l’éternelle jeunesse. L’heureuse conclusion laisse entrevoir l’avenir d’un perpétuel recommencement ; une savoureuse utopie. (M.R. et V.M.)