Année 93, règne de Domitien. L’affaire Massa agite Rome : une province a porté plainte devant le Sénat pour prévarication de son gouverneur, un protégé de l’empereur. Il est condamné mais Senecio, sénateur républicain insatisfait de la peine, déclenche la colère du despote en publiant des tablettes provocantes. Publius, futur Tacite, et Pline, jeunes et brillants sénateurs proches de Senecio, sont menacés de mort. Lucretia, épouse de Publius, tente de plaider la mansuétude du souverain…
Après Les Prépondérants (Les Notes septembre 2015), ce roman d’Hédi Kaddour zoome sur quelques heures de l’histoire romaine : autre temps, autre lieu, une nuit de tous les dangers. L’écriture exigeante, vibrante, maîtrisée, semée de citations latines, enfle superbement la dramaturgie et aiguise la tension. Contrairement à l’annonce du titre, ce n’est pas l’éloquence qui va condamner ou sauver mais une façon très habile d’habiter le silence. Les protagonistes soliloquent à tour de rôle au fil de dix-neuf chapitres. Ils ressassent, se remémorent, envisagent, jaugent le concevable et l’inconcevable, pèsent le pour et le contre, subodorent l’attitude de l’empereur, du préfet du prétoire, du délateur, du chambellan, pronostiquent, se ravisent… Pas de dialogues, des ruminations d’une si vivante et précise puissance narrative qu’elle ressuscite les lieux, les minutes, les héros. (J.M. et C.R.P.)